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Pour le commandant en chef des FDS, "la guerre n’est pas finie en Syrie"

Entretien
Moyen-Orient

La Syrie est entrée dans une nouvelle ère après la chute du régime Assad, mais le pays est encore loin d'être pacifié. Dans le nord, les hostilités restent ouvertes entre les Forces démocratiques syriennes (FDS), coalition à dominante kurde, et des groupes rebelles soutenus par Ankara. France 24 fait le point avec Mazloum Abdi, commandant en chef des FDS, qui livre sa vision sur la situation et sur les tensions avec la Turquie.

Le chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), Mazloum Abdi.
Le chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), Mazloum Abdi. © Capture d'écran France 24

"La Turquie poursuit sa guerre dans notre région, alors que les combats ont cessé partout ailleurs en Syrie". Dans un entretien accordé, le 21 décembre à l'antenne arabe de France 24, Mazloum Abdi, commandant en chef des Forces démocratiques syriennes (FDS), un groupe dirigé par les Kurdes et soutenu par les États-Unis, rappelle que si le pays s’est débarrassé du régime de Bachar al-Assad, le nord reste en proie à de violents affrontements. 

Dans cette partie du territoire qu’ils contrôlent, les Kurdes de Syrie, profitant de l'affaiblissement du pouvoir du clan Assad depuis 2011, avaient même mis en place, en 2016, une "région fédérale" à la frontière avec la Turquie voisine. Au grand dam du président turc Tayyip Recep Erdogan qui accuse les forces kurdes, longtemps en première ligne dans la lutte contre les jihadistes de l'organisation État islamique (EI), d'être une extension de son ennemi séparatiste juré, le Parti des travailleurs du Kurdistan (PKK).

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Depuis la prise de Damas par le Hayat Tahrir al-Cham (HTC, également connu sous le nom de HTS), le 8 décembre, la Turquie appuie une énième offensive de l'Armée nationale syrienne, une alliance de groupes rebelles soutenus par Ankara, contre ce qu'elle considère comme des "organisations terroristes" dans cette zone. Une offensive qui contraint les FDS à quitter la ville de Manbij et à appeler à un cessez-le-feu. Elles ont même proposé l’établissement d’une zone démilitarisée à Kobané, ville symbole de leur lutte contre l'EI.

Dos au mur, les Kurdes syriens ont tendu la main vers Ahmed al-Charaa, de son nom de guerre Abou Mohammed al-Joulani, à la tête des nouvelles autorités syriennes. Alors même que ces dernières ne cachent ni leur proximité avec la Turquie, ni leur volonté d'étendre leur autorité sur le nord du pays...

 

France 24 : Quelle est la situation actuellement dans le nord de la Syrie ? Pour quelle raison avez-vous suggéré l’établissement d’une zone démilitarisée à Kobané, sous supervision américaine ?

Mazloum Abdi : La guerre n’est pas finie en Syrie, la Turquie poursuit sa guerre dans notre région, où nous défendons nos terres et où les affrontements sont intenses. Alors que les combats ont cessé partout ailleurs dans le pays, les forces mobilisées par Ankara s’approchent de Kobané depuis Manbij et l’Euphrate. L’État turc n’a de cesse de nous accuser de représenter une menace pour sa sécurité et pointe toujours du doigt la ville de Kobané. C'est pourquoi, à travers cette proposition d'une zone démilitarisée, nous voulons l’empêcher d'utiliser un tel argument et mettre un terme à ses inquiétudes. Nous sommes prêts, dans le cadre d'un cessez-le-feu, à retirer nos forces de Kobané et à laisser la place à des forces de sécurité placées sous la supervision d'entités comme les États-Unis. Nous discutons de cette question avec les Américains, et ces derniers échangent autour de cette proposition avec la Turquie.

Washington est votre allié, mais certains pensent que la situation pourrait changer avec le retour au pouvoir de Donald Trump. Craignez-vous que la nouvelle administration penche en faveur de la Turquie ?

Nous ne savons pas encore quelle sera la politique qui sera suivie par la nouvelle administration américaine en Syrie. Nous sommes constamment en communication avec un certain nombre d’élus de tous bords aux États-Unis. Nous leur demandons de l’aide pour faire pression sur les Turcs afin qu’ils cessent leur offensive. Mais nous ne parlons pas seulement aux Américains, nous sommes également en contact avec nos autres partenaires et amis au sein de la coalition internationale. Enfin, nous demandons au nouveau gouvernement central de Damas de faire également son devoir en œuvrant en faveur d'un cessez-le-feu sur l’ensemble du territoire syrien. Ce qui inclut également cette région du pays. 

Justement, quels sont vos rapport avec le HTC, qui installe peu à peu son administration à Damas ? Comment voyez-vous l’avenir de votre région dans la Syrie post-Assad ?

Il n'y a pas d'affrontement avec Hayat Tahrir al-Cham dans nos régions. Lors de l’offensive visant le régime précédent, nous avons reçu des messages indiquant qu’ils ne voulaient pas s’engager dans des affrontements avec nous. Nous nous coordonnons avec eux afin de résoudre les problèmes qui peuvent se poser de manière pratique. Mais sur le plan politique, pour le bien de l'avenir de la Syrie, nous devons dialoguer. Le dialogue n’a pas encore commencé mais nous nous y préparons. Jusqu'à présent, les déclarations émanant de la nouvelle administration à Damas sont positives et nous les saluons. Le HTC ne veut pas établir un régime autoritaire comme c’était le cas sous les Assad et nous ne voulons pas non plus d’un régime fédéral, pas plus que la partition du pays. Nous voulons faire partie de la Syrie, et que les représentants de cette province et de cette région participent pleinement au processus politique pour qu’ensemble, nous construisions une nouvelle Syrie. Une Syrie décentralisée et une administration autonome dans cette région.

Est-il envisageable que les FDS puissent intégrer à terme une nouvelle armée syrienne, sous l’autorité du pouvoir en place à Damas ?

Lors de leur création en 2015, nous avons dit que les FDS devraient faire partie de l'armée syrienne qui naitra après l'effondrement du régime Assad. Et s’il y a un projet d’armée syrienne à venir, nous voulons y participer, car les FDS ont fait de nombreux sacrifices durant ce conflit. Nous discuterons de cette question avec le gouvernement à Damas, car nous souhaitons préserver certaines particularités de nos forces dans cette région, mais au sein d’une armée nationale.

Que répondez-vous à ceux qui, en Syrie, vous considèrent comme une force aux ordres de puissances occidentales ? Ainsi qu'aux critiques adressées aux FDS dans les zones que vous contrôlez ? 

Les Unités de protection du peuple [principale milice kurde en Syrie, NDLR] et les FDS, existaient bien avant l’arrivée des forces américaines dans le nord du pays. Nous avons défendu nos terres et nous avons lutté contre Daech [l’EI, NDLR]. Et lorsqu’elles sont arrivées, nous avons continué cette lutte avec des composantes arabes à Raqqa et à Hassaké. Nos forces se sont rendues dans ces régions et y ont versé du sang pour les protéger et les libérer de Daech. Ce que nous voulons, c'est représenter ensemble, kurdes et arabes, cette région. Et lorsqu’il y a des problèmes sur le terrain, comme récemment dans la province de Hassaké [des manifestations ont été violemment réprimées le 12 décembre par les forces kurdes, NDLR] nous tentons de les résoudre et nous avons des comités officiels qui enquêtent. 

La Turquie, et certaines parties en Syrie, vous accusent d’être une extension du PKK. Dans quelle mesure êtes-vous prêt à couper vos liens avec d'autres groupes ?

Je le dis ici dans cet entretien : nous ne faisons pas partie du Parti des travailleurs du Kurdistan. Nous n'avons aucun lien avec lui. 

Cette interview a été adaptée de l'arabe par Marc Daou.

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