Verdict des viols de Mazan : les féministes se sentent "humiliées", la défense satisfaite
De notre envoyé spécial à Avignon – La cour criminelle du Vaucluse a condamné jeudi les 51 accusés de l'affaire des viols de Mazan à des peines allant de 5 à 15 ans de prison pour viols aggravés, et Dominique Pelicot à 20 ans de réclusion criminelle. Des peines moins sévères que les réquisitions, ce qui soulage les avocats de la défense et révolte les collectifs féministes présents à l'extérieur du tribunal. Réactions.

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Rideau sur le procès des viols de Mazan. Après trois mois et demi d'audiences, la cour criminelle du Vaucluse a condamné jeudi 19 décembre l'immense majorité des 51 accusés à des peines allant de 5 à 15 ans de prison pour viols aggravés sur Gisèle Pelicot.
Le principal protagoniste du dossier, Dominique Pelicot, qui a drogué et livré sa femme à des inconnus rencontrés sur Internet pendant près de dix ans, a écopé de la peine la plus lourde : 20 ans de prison avec une période de sûreté des deux tiers. Les accusés ont dix jours pour faire appel du jugement.
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"Mon client est quelque peu hébété par la période de sûreté prononcée. Nous sommes dans le cadre d'une responsabilité assumée de Dominique Pelicot, et d'une dignité de Gisèle Pelicot. J'ai jusqu'au 29 décembre pour faire appel", a déclaré son avocate Béatrice Zavarro à la sortie de l'audience.
"Ici on juge, on ne légifère pas"
La majeur partie des accusés ont écopé de peines autour de 8 ans de prison, sachant que le quantum de peine moyenne pour viol était de 11,1 ans en 2022, selon les chiffres du ministère de la Justice. Deux hommes, Joseph C. et Saiffedine G., ont écopé des plus courtes peines, trois ans de prison dont deux avec sursis, pour atteintes sexuelles aggravées. Le second a vu son crime requalifié en atteinte sexuelle. En fuite au Maroc, l'accusé Hassan O. qui n'a jamais comparu, a été condamné par défaut à 12 ans de réclusion criminelle. Globalement, ce sont donc une quarantaine d'accusés qui dormiront en prison ce jeudi soir. Six sont ressortis libres.
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Les condamnations sont finalement moins sévères que celles demandées par le ministère public, qui avait requis fin novembre des peines de 4 à 18 ans de prison, et la peine maximale de 20 ans de réclusion criminelle contre Dominique Pelicot.
"Les peines ont été adaptées et c'est tant mieux, s'est félicité Me Roland Marbillot, avocat de deux accusés. L'un de mes clients ressort libre, l'autre non, mais ressortira sûrement dans quelques semaines ou mois. Je tenais cependant à rappeler qu'ici on juge, on ne légifère pas." Il s'est également réjouit que "le débat sur le consentement n'est pas celui qui a présidé dans cette audience".
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Le procès des viols de Mazan a remis sur le devant de la scène l'absence de notion de consentement dans la définition légale du viol, à la différence d'autres pays comme l'Espagne ou la Suède qui ont déjà légiféré dessus. Fin septembre, le ministre de la Justice démissionnaire Didier Migaud s'était dit favorable à l'inscription du consentement dans le code pénal.
"Je pense à toutes les victimes non reconnues"
De son côté, Gisèle Pelicot a hoché la tête au fur et à mesure de l'énoncé des condamnations. Vêtue d'un chemisier à rayures bleues, la septuagénaire au carré roux et ses avocats étaient arrivés au tribunal peu après 9 h sous une nuée de caméras. Ses trois enfants, Caroline, Florian et David, étaient également présents avec leurs conjoints.
À la sortie de l'audience, Gisèle Pelicot n'a pas répondu aux questions, mais a lu une déclaration où elle remerciait ses proches : "Je pense à mes trois enfants. Je pense également à mes petits-enfants qui sont l'avenir et c'est aussi pour eux que je mène ce combat [...]. Je pense aussi à toutes les autres familles touchées par ce drame et les victimes non reconnues dont les histoires demeurent dans l'ombre."
Ne souhaitant pas commenter les peines prononcées par la cour criminelle, Gisèle Pelicot a de nouveau assumé son choix de publicité des débats : "J'ai voulu en ouvrant les portes de ce procès que la société puisse se saisir des débats et je ne l'ai jamais regretté."
Colère des féministes
Dehors, plusieurs féministes portant des pancartes à la teneur plus ou moins agressive ont scandé "Honte a la justice" et "Justice complice", à l'issue du verdict. "Les féministes, les femmes se sentent humiliées, déçues et en colère que la justice ait prononcé des peines extrêmement basses. Ce soir, une dizaines d'hommes vont rentrer chez eux ce soir et c'est vraiment insupportable de se dire que ces hommes vont pouvoir passer Noël en famille", réagit Blandine Deverlanges, présidente du collectif féministe radical Les Amazones d'Avignon.
Me Christophe Bruschi, l'avocat d'un des accusés, s'est fait bousculer et huer par la grosse centaine de militantes féministes qu'il a qualifiées de "tricoteuses". Les relations ont été tendues pendant tout le procès entre la défense et les féministes, les premiers accusant les secondes de vouloir influencer les juges. Il y a trois semaines, une banderole "20 ans pour tous", accrochée sur les remparts en face du tribunal, avait été décrochée par les services de la mairie.
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Vers 13 h 30, c'est sous étroite escorte policière que Gisèle Pelicot est sortie du tribunal. "Merci Gisèle !", ont scandé les femmes à l'extérieur, tandis que la septuagénaire progressait lentement dehors.
De leur côté, les féministes ont prévu de se réunir à 13 h vendredi pour dire leur colère face à ce verdict jugé laxiste : "La question qu'on se pose, c'est est-ce que les femmes vont continuer à faire confiance en la justice ?, expose Blandine Deverlanges. Personnellement, je commence à désespérer et je pense que les femmes vont commencer à s'organiser elles-mêmes pour rendre la justice."